Les réformes de la justice.

"L'homme le plus honnête, le plus respecté, peut être un jour victime de la justice. Vous êtes un bon père, un bon époux, peu importe. Quelle fatalité pourrait un jour vous faire passer pour un malhonnête homme, voire un criminel? Cette fatalité existe, elle porte un nom : l'erreur judiciaire." (René Floriot, avocat.) L'erreur judiciaire consiste en la condamnation d'un innocent ou en l'acquittement du véritable auteur de l'infraction. Elle n'est pas un phénomène nouveau. En effet, au XVème siècle, Jeanne d'Arc est condamnée au bûcher après son procès. Quelques années plus tard, un second procès en réhabilitation conclura à son innocence et l'élèvera au rang de martyre. Au XVIIIème siècle, l'affaire Calas, au XIXème, l'affaire Dreyfus, au XXIème l'affaire d'Outreau, ces affaires judiciaires sont considérées comme les plus grosses erreurs judiciaires françaises.
Comment faire pour les éviter et ne pas reproduire les mêmes erreurs du passé? Quelles ont été les réformes concrètes de la justice mises en place après l'affaire d'Outreau?
Ce sont les questions que se sont posés les membres de la commission d'enquête parlementaire de l'affaire d'Outreau. Leur mission était de rechercher les causes de dysfonctionnements de la justice dans cette affaire et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement. De plus, le 7 janvier dernier, Nicolas Sarkozy annonçait la suppression des juges d'instruction et remettait en cause l'indépendance de la justice.



Les réformes suite à la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau.



Un an après le fiasco de l'affaire d'Outreau, la commission d'enquête parlementaire propose au gouvernement et notamment au Garde des Sceaux Pascal Clément, son projet de réforme de la justice qui constitue une première étape dans sa rénovation.

Son contenu :
-- La création de pôles de l'instruction, composés de plusieurs juges d’instruction, seront créés dans certaines juridictions pour remédier à la solitude des magistrats constatée avec le juge Burgaud. Il y aura co-saisine dans les affaires les plus lourdes. Concrètement, si un crime est commis dans le ressort d'un tribunal qui n'est pas un pôle, l'instruction, avec au moins deux juges, sera ouverte dans le pôle dont il dépend. Ce qui n'empêchera pas le procès de revenir ensuite dans la juridiction initiale. Par exemple, si un meurtre est commis à Châteauroux ou Nevers, l'instruction se fera à Bourges. Idem pour les affaires les plus complexes. En tout, cela ne concerne guère que 5% des affaires pénales

-- L'enregistrement audiovisuel des gardes à vue, qui doit permettre de lever tout soupçons de violences policières lors des interrogatoires, voire de trancher toute contestation d'aveux. Une caméra pourrait être également placer dans le bureau du juge d'instruction lors des auditions, notamment pour les affaires de pédophilie, pour éviter aux enfants la douloureuse redite de leur calvaire.

-- Tout justiciable qui s'estimera victime d'un dysfonctionnement pourra saisir le médiateur de la République ("autorité indépendante" chargée d'améliorer, par son action, les relations des citoyens avec l'administration. Il intervient dans les litiges qui les opposent en tentant de proposer, aux uns et aux autres, des solutions de règlement amiables de leur différends.), pouvant à son tour en référer au Garde des sceaux, qui tranchera. Afin de réduire les détentions provisoires excessives, une audience publique pourra être organisée tous les six mois pour faire le point sur la procédure, si le juge le veut bien.



La suppression du juge d'instruction ?






Le 7 janvier dernier, le président de la République Nicolas Sarkozy annonçait la possibilité de la suppression du juge d'instruction.

Pourquoi supprimer le juge d'instruction ?
Après plus de deux cent ans d'existance, les juges d'instruction sont donc appelés à disparaître. Ces 600 magistrats rattachés aux tribunaux de grande instance devaient mener leurs enquêtes à charge et à décharge après avoir été saisis par les procureurs (parquet), ou directement par les parties civiles. Dans les faits, ils écopent de moins de dossiers (5%), en général, les plus complexes et les plus sensibles, les autres étant gérés directement par le parquet. Mais pour Nicolas Sarkozy, la confusion entre les pouvoirs d'enquête et les pouvoirs juridictionnels pose problème. En tant qu'enquêteur, le juge d'instruction doit en effet trancher entre la culpabilité et l'innocence des suspects, alors qu'en tant que juge il lui est demandé de faire preuve de neutralité. Ils sont, de fait, toujours susceptibles de ne mener leur enquête qu'à charge ainsi que ce fut le cas dans l'affaire d'Outreau.

Par qui le juge d'instruction sera-t-il remplacé ?
Il reviendra désormais aux procureurs du parquet de mener l'enquête. "Ils auront tendance à instruire à charge puisque, sur le plan institutionnel, le procureur est celui qui établit les charges et décides des poursuites", craint Laurent Bédouet, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats. L'instruction deviendra donc "accusatoire", et non plus "inquisitoire". Dans le même temps, les droits de la défense seront renforcés et un juge de l'instruction verra le jour avec le rôle d'arbitre entre l'accusation et la défense.
Ce transfert de la totalité des enquêtes, notamment des plus délicates, au parquet est, toutefois loin de faire l'unanimité. Mais c'est le lien hiérarchique entre les procureurs et la chancellerie, et donc la dépendance du parquet vis-à-vis du pouvoir en place qui inquiète. On redoute ainsi que les procureurs ne classent sans suite les affaires politico-judiciaires les plus dérangeantes. Ce risque existe néanmoins déjà aujourd'hui dans le système actuel puisqu'il revient au parquet d'enclencher les enquêtes et de les déléguer ensuite aux juges d'instruction. Cependant, à l'heure actuelle, si le procureur décide de ne pas donner suite, les parties civiles peuvent, elles, saisir directement le juge d'instruction. Ce qui est loin d'être acquis dans le futur.

Quel sera le rôle du "juge de l'instruction" ?
Un magistrat indépendant baptisé "juge de l'instruction" aura pour mission d'intervenir durant l'enquête menée par le procureur. Ce nouveau juge arbitrera entre l'accusation et la défense. Il devrait, par ailleurs, avoir pour mission de statuer sur les mesures privatives de libertés demandées par le parquet. Son rôle s'apparentera à celui des juges des libertés et de la détention. Avec cette réforme, ils pourraient être appelés à disparître.


A voir : Video du Figaro (Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur judiciaire au Figaro, s'interroge notamment sur le juge de l'instruction et sur le statut du parquet.)

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